La famille Achouri se prépare à se mettre à table.
« Allez vous laver les mains les enfants ! » s'exclame Maman.
Papa pose les bols et les couverts. Maman amène le repas ; une maigre soupe aux oignons avec quelques morceaux de pains rassis. Aujourd'hui encore, il faudra se contenter de ce qu'il y a.
Cette pauvre famille habite une ferme entourée de prairie. Le seul animal qu'il leur reste est une chèvre. Papa a déjà essayé de la vendre pour en retirer de l'argent, mais personne ne veut de cette maigrichonne biquette. Camomille ne leur sert à rien à la ferme, elle ne donne même pas de lait car elle est jeune et n'a encore jamais eu de petits. Toutes les journées se ressemblent à la ferme. Après le petit déjeuner, c'est l'heure de la classe, et c'est la grande sœur qui donne le cours. Pendant la leçon de mathématique, on entend les vroum vroum du tracteur de Papa dans le champ derrière la maison. Maman fait la lessive au milieu de la cour dans une grande bassine d'eau chaude.
Le soir arrive. Il fait particulièrement bon dehors. Tout le monde profite de l'air doux avant d'aller se coucher. Camomille paraît agitée, elle fait quelques tours d’enclos en bêlant. Quand la nuit tombe elle se calme enfin. Les enfants sont couchés, et Papa et Maman discutent dans la cuisine. Ils cherchent tous les deux des solutions pour sortir de la pauvreté. Peut-être faudrait-il envoyer leur grande fille à la ville pour qu'elle trouve un travail de gouvernante ? Elle sait très bien faire à manger, s'occuper de la maison, et a un don pour la couture. Mais qui ferait l'école aux plus petits si elle s'en va ? Il n'y a pas d'école près de la ferme. Papa travaille déjà très dur au champ, Maman s'occupe du linge, chacun tient un rôle important ici. Si seulement ils pouvaient trouver quelqu'un qui voudrait bien acheter la chèvre, cela leur rapporterait un peu de sous le temps de trouver une autre solution.
« C'est Allah soubhana wa taala qui nous aidera, il faut s'en remettre à Lui. » conclue Papa.
— Oui, il faut Lui faire confiance, confirme Maman.
Le lendemain matin, la famille Achouri prend le petit déjeuner, puis comme d'habitude la grande sœur prépare la chambre pour y faire la classe. Elle ouvre les fenêtres et respire l'air frais du matin. En regardant dehors, elle s’aperçoit que Camomille a disparu !
« Maman ! s'écrie-t-elle. Camomille n'est plus là ! »
Elle rejoint sa mère qui fait la vaisselle dans la cuisine. Maman se retourne.
« Comment ça elle n'est plus là ? »
Elles sortent toutes les deux dans la cour pour vérifier la clôture. Elle était abîmée à un endroit et la biquette a dû s'échapper par là.
« C'était la seule chose qu'on pouvait vendre, elle aurait pu nous apporter un peu d'argent... se désole Maman. Allah sait mieux pourquoi elle est partie. »
Des jours sont passés et personne n'a revu Camomille. Peut-être qu'un paysan voisin l'a trouvée.
Quelques temps après, un beau matin, on entendit soudainement des bêlements au loin. Serait-ce la biquette qui aurait retrouvé le chemin ? Tout le monde sort pour tenter de voir l'animal. Un des garçons part à sa recherche au fond du champ. Plusieurs minutes plus tard, le voilà revenu avec la chèvre. Elle n'était pas allée bien loin ! Papa répare rapidement l'enclos et remet Camomille à l'intérieur.
« Petite chipie, on a fini par te retrouver ! dit Papa, content de la revoir. Il va peut-être pouvoir la vendre finalement. Au bout d'un certain temps, la petite dernière de la famille qui commençait à peine à parler dit à sa Maman :
« Camo elle a beaucoup mangé ! Gros bidon ! »
Maman regarde Camomille et s’aperçoit qu'elle a en effet un plus gros ventre qu'avant. Elle semble aussi fatiguée. Est-elle malade ? Papa va regarder de plus près. En touchant son gros ventre, il sent des petits coups à l'intérieur. Son visage s'illumine et un sourire se dessine.
« Camomille attend des bébés ! s'enthousiasme Papa. Elle a dû rencontrer un bouc chez un fermier voisin ! »
Et voilà que la jeune biquette donna naissance à trois beaux chevreaux. Toute la famille a pu profiter du lait qu'elle offrait, et un nouvel élevage de chèvres a pu commencer !
« El hamdoulillah pour ce bienfait ! dit Maman. Allah savait pourquoi Camomille était partie et a répondu à nos prières. »
Depuis ce jours, la famille Achouri n'a plus connu la pauvreté. La biquette donnait tellement de lait que Papa pouvait en faire des fromages et les vendre au village.